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23 juillet 2008 3 23 /07 /juillet /2008 00:00
Poursuivons nos retours dans le passé, dans un monde encore inconnu des moteurs de recherche et qui a pourtant existé !

Cette fois-ci, nous avons décidé de nous projeter exactement 50 ans en arrière, en nous plongeant dans le numéro 471 de Paris-Match, publié le 22 avril 1958.

En couverture, un jeune révolutionnaire, l'arme au poing, prêt à renverser le dictateur Batista encore en place : c'est Fidel Castro.

Dans les pages intérieures, l'hebdomadaire se fait l'écho d'un ouvrage visionnaire, écrit deux ans plus tôt par un certain Camille Rougeron, et intitulé Les Applications de l'énergie thermonucléaire :
Avec les explosions thermonucléaires et la quantité de chaleur qu'elles emmagasinent sous terre, on pourra produire de la vapeur à bon marché, de l'énergie deux cent fois moins chère que celle du charbon. On pourra créer des lacs artificiels, maintenir ouverts toute l'année le Saint-Laurent et la Volga, gagner à la culture des milliers d'hectares aujourd'hui gelés, épuiser totalement les puits de pétrole (on ne les exploite aujourd'hui qu'à 20 ou 25%), utiliser les couches profondes des gisements de houille.

Indépendamment du problème politique posé par son utilisation militaire, la bombe H peut offrir à l'homme des utilisations pacifiques illimitées. Tout pays qui la possédera pourra mutliplier, du jour au lendemain, ses réserves d'énergie, devenir totalement indépendant des pétroles du Moyen-Orient, du canal de Suez, de toutes les ressources énergétiques d'outre-mer. Et cela, pour plusieurs centaines d'années.
Un article paru dans Science et Vie la même année détaille un peu plus la vision aussi originale que dérangeante de M. Rougeron, pour ceux qui aiment la vraie science-fiction.

Une demi-siècle plus tard, on constate que l'énergie atomique n'a pas tenu toutes les promesses qu'elles a faites au monde civil. Son coût réel est aujourd'hui équivalent à celui du charbon, du fait des coûts indirects : fiabilité du procédé de production électronucléaire, enrichissement et retraitement du combustible, gestion des déchets, maintien de la sûreté. Les énergies fossiles l'ont même squeezé sur certains points : si la Volga devient navigable toute l'année, ce sera grâce aux gaz à effet de serre.

On notera qu'à l'époque déjà, la dépendance du pétrole du Moyen-Orient est une préoccupation nationale : on sait que le charbon national est en train de s'épuiser à grande vitesse et qu'il faudra que la métropole se dote d'une nouvelle source d'énergie bon marché pour maintenir son rang sur l'échiquier mondial.

Et, de même qu'aujourd'hui nos chers journalistes croient déjà voir le monde se développer de façon durable, Paris-Match affiche son optimisme atomique :
Déjà, les grandes compagnies pétrolières sont sur l'affaire.
Cinquante ans plus tard, Total commence effectivement à envisager de construire une centrale nucléaire au Moyen-Orient... Il était temps.

De ce monde d'il n'y a pas si longtemps où chaque Français consommait moitié moins de pétrole qu'aujourd'hui (cf. courbe ci-contre), les publicités ou "réclames" donnent une image sobre : en ville, la seule alternative aux transports en commun est le scooter - et nous prévoyons d'ailleurs son retour généralisé pour dans quelques temps - la voiture restant cantonnée aux grands trajets exceptionnels :
Simca Ariane, le temps des vacances chaque fois retrouvé...
Mis à part un ou deux objets dont l'usage doit commencer à échapper aux jeunes générations, comme ce "Mignon" de Philips ("le premier tourne-disques 45 tours automatique"), la vie quotidienne du Français de 1958 est loin de ressembler aux rêves décroissants de certains piquistes, qui s'imaginent condamnés aux années noires de l'Occupation dès que la production pétrolière commencera à décliner.

Moins de pétrole, c'est avant tout moins de déplacements. Mais puisque l'homme a réussi à vivre en société depuis 8000 ans sans trop se déplacer, pourquoi serait-il impossible de refermer cette parenthèse d'hyper-mobilité maladive sans pour autant renoncer aux progrès technique et social ?
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