
Vous avez hélas été nombreux à manquer un
excellent exposé rétrospectif et un peu prospectif sur la voiture électrique, qui montrait que la voiture électrique est loin d'être une idée neuve et qu'elle a en fait à peu près le même âge que la voiture thermique. Même les hybrides sont vieilles d'un siècle ! L'illustration ci-contre montre une Lohner-Porsche hybride - pétroléo-électrique disait-on à l'époque - de 1900 en pleine action ; vous noterez les moteurs électriques dans les roues, comme dans les rêves les plus fous des
green businessmen d'aujourd'hui.
La voiture électrique a été doublement foudroyée dans les années 20, après quelques premiers succès dans les milieux urbains : autopartage, recharge en heures creuses, tout avait déjà été inventé et déployé ; des milliers de véhicules électriques circulaient dans New York ou Baltimore. Mais Henry Ford, quand il décida de produire en grande série et d'abaisser les coûts de fabrication, opta pour la filière thermique parce qu'il ne visait pas le modeste marché des urbains friqués, mais bien l'énorme réservoir des fermiers américains. En plus de ça, la généralisation du démarreur (électrique) rendit la voiture thermique aussi facile à utiliser que son homologue électrique, qui jouait de sa facilité de démarrage auprès de la gent féminine de la Haute.
Pourquoi la voiture électrique renaîtrait-elle aujourd'hui de ses cendres ? Un siècle de progrès technique a creusé l'écart entre véhicules thermiques et véhicules électriques, malgré quelques progrès sur les batteries. Et le consommateur veut toujours une voiture capable de faire 500 km d'une traite
"de temps en temps", même si on lui démontre par A+B qu'il lui en coûterait moins cher de se louer une Ferrari pour ces grands parcours et de ne posséder qu'une modeste BlueCar pour ses trajets quotidiens.
Certes, il y a des usagers précoces qui sont déjà prêts à suivre ce raisonnement. Mais seront-ils suffisants pour entraîner la majorité du marché, conservatrice en diable ? C'est là la théorie du gouffre à franchir (
Crossing the Chasm, de Geoffrey Moore) et qui risque de s'appliquer dans les prochaines années à un certain nombre de produits comme la voiture électrique, le livre électronique, le visiophone ou le vélo couché. Tous cherchent à copier un produit qui marche bien, en proposant un petit plus mais avec d'énormes moins : la "proposition de valeur" est bancale, fait hésiter et finalement ne convainc pas.

La seule vraie et bonne façon pour les Etats d'aider les véhicules électriques à remplacer notre automobile à pétrole, c'est d'interdire progressivement cette dernière - à condition que l'avantage environnemental soit bien
présent. On a bien eu Hadopi pour
sauver l'industrie musicale alors que le laissez-faire nous emmenait tranquillement vers un monde où la musique (re)devenait gratuite, pourquoi pas une Haute Autorité pour la Diffusion Obligatoire de la Voiture Electrique (HADOVE) ? Car ce n'est pas le style du moment qui vous en donnera une énôôôrme envie...