Si les années 2000 ont sans nul doute été celles du carbone - intronisation en 1998 à Kyoto, puis médiatisation progressive avec un paroxysme en 2007-2008, juste avant que la crise financière n'éclipse les climatologues de la scène et que le tant attendu sommet de Copenhague n'accouche de souris vertes - les années 2010-2020 seront sans nul doute celle du méthane.
Le pétrole est désormais proche de son pic, c'est une affaire entendue : la question est désormais de trouver la source d'énergie abondante qui va nous permettre d'entretenir la course au développement et au confort dans laquelle toute l'humanité est désormais lancée.
Toute ? Non, certes. Quelques petits villages décroissants au sein de l'Empire Thermo-Industriel tentent de proposer des modes de vie alternatifs. Mais une hirondelle ne fait pas le printemps et, de la même façon qu'Astérix et ses amis n'ont pas renversé la civilisation romaine, ces initiatives courageuses et souvent sympathiques resteront des épiphénomènes dans les vingt ans qui viennent.
On avait cru, au milieu des années 2000, que le nucléaire profiterait de l'enthousiasme général pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Malheureusement pour cette industrie, le gong de Fukushima a sonné la retraite, et c'est sans doute plutôt une bonne nouvelle à la fois pour l'humanité et l'industrie européenne.
Une bonne nouvelle pour nous tous, car cet accident majeur a mis en exergue que le nucléaire n'était supportable qu'avec des autorités de sûreté puissantes et capables de remettre les pendules à l'heure quand l'industriel tente de biaiser pour sauver sa profitabilité - au grand dam d'Areva, la Finlande a d'ailleurs montré l'exemple. Cela a également rappelé qu'une gouvernance similaire entre exploitant et autorité de sûreté était nécessaire pour éviter ce que le film Le Syndrome Chinois avait déjà anticipé il y a plus de trente ans.
Une bonne nouvelle également pour l'industrie européenne car elle démontre la nécessité de ne pas aller dans la logique du moins-disant : quand on veut de la sûreté nucléaire, plus de doute désormais il faut mettre le prix.
Toutefois, la traversée du désert a commencé et il faudra quinze à vingt ans pour en atteindre le bout : d'abord, parce que Fukushima a marqué durablement les populations et les hommes politiques, tout comme Tchernobyl avait gelé d'un coup une grande partie des projets électronucléaires occidentaux. Ensuite, parce que l'OCDE n'a plus de sous ! Finis, ces temps heureux où on pouvait dépenser sans compter : les prêteurs sont devenus exigeants.
La voie royale est donc libre, non pas pour les énergies renouvelables non hydrauliques qui produisent un kWh intermittent et hors de prix, mais toujours pour les fossiles : charbon et gaz naturel.
Le charbon, si salissant et polluant, a une cote moyenne ; en plus, son pic n'est plus très loin.
Il ne reste plus que le gaz naturel, dont le pic est aujourd'hui assez lointain, surtout si on poursuit l'aventure du gaz "non conventionnel" qui comprend les désormais fameux gaz de schistes et les plus discrets hydrates de méthane tapis au fond des océans.
Le choix allemand de l'arrêt du nucléaire est en fait une Realpolitik de l'énergie : puisque la Russie peut nous fournir beaucoup de gaz à prix raisonnable et que les centrales au gaz ne coûtent pas cher à construire, incitons nos opérateurs à remplacer leurs vieilles bouilloires atomiques par de belles installations Siemens-gemacht que le privé pourra facilement financer. Et dans vingt ans, quand le gaz commencera se faire un peu plus rare, il sera toujours temps de reconsidérer la question nucléaire, on n'est plus à un changement d'avis près...
Et avec le quasi-silence imposé aux émissions d'information climatiques, on a aussi un peu oublié le méthane dissous dans le pergélisol et que le réchauffement arctique est en train de libérer lentement mais sûrement.
CH4 mon amour, pourrait-on bientôt rebaptiser une célèbre émission radio...