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12 octobre 2009 1 12 /10 /octobre /2009 07:00
Du temps de la première guerre froide, une doctrine stratégique s'était rapidement imposée entre les deux superpuissances nucléaires : la Destruction Mutuelle Assurée, en anglais Mutual Assured Destruction (MAD, ce qui signifie "fou" en anglais). Le principe était simple : chaque camp avait la certitude que la destruction serait totale en cas de conflit, et donc que personne n'avait intérêt à appuyer sur le bouton. Rationalité Limitée a récemment rappelé que les Soviétiques avaient préféré automatiser ce bouton, considérant qu'un ordinateur raisonnerait de façon plus rationnelle que leurs hauts dignitaires aux neurones baignant dans la vodka...

Aujourd'hui, de nombreuses questions sociétales, comme le climat, la démographie ou encore les ressources naturelles voient une grande partie du débat frappé d'un syndrome similaire, qu'on pourrait nommer Mutual Assured Decredibilization.

De quoi s'agit-il ? D'une radicalisation des positions des figures emblématiques de la question, principalement dûe au combat pour la survie médiatique de ces figures.

Prenez un Richard Heinberg par exemple. Il a commencé par écrire The Party's Over, un bouquin sur le pic pétrolier qui lui a assuré quelques revenus. Hélas ! Le sujet, explosif à ses débuts, a fini par lasser - le pic lui-même est sans doute passé depuis dans l'indifférence générale. Il a alors tenté d'approfondir la question avec une solution protocologique (The Oil Depletion Protocol) dont les ventes ont sans doute tutoyé celles du compte-rendu de la conférence de Kyoto en swahili. On imagine donc son éditeur : "Coco, si tu veux que je continue à acheter tes manuscrits, il va falloir du sang à la une !"

Heinberg, soucieux de prolonger sa rente de droits d'auteur, ne se le fait pas dire deux fois. Son bouquin suivant annonce le pic de production de tout ce qui existe (Peak Everything), et son dernier nous annonce un Grand Soir planétaire (Blackout) à côté duquel Ravage tient lieu de comédie rohmérienne.

Compte tenu du rythme annuel de parution de ses oeuvres, on voit bien qu'il n'a pas eu le temps de faire beaucoup d'investigations entre deux versions successives de ses thèses catastrophistes : la radicalisation de son discours ne sert juste qu'à maintenir ses ventes, de la même façon qu'un fabricant de téléphones portables qui doit renouveler sans cesse sa gamme pour ne pas disparaître.

Notons que le même phénomène se produit de l'autre côté du champ médiatique, chez les anti-catastrophistes : c'est le fameux clan des sceptiques, qui nient - avec d'autant plus d'aplomb que le temps passe - l'inexistence du changement climatique d'origine humaine ou le non-alunissage des Américains sur la Lune.

Le résultat logique de cette course à la surenchère est qu'au bout de quelques années, il ne subsiste plus sur une question donnée que deux types de livres accessibles au grand public : ceux des négationnistes et ceux des "superlatifs", quelle que soit d'ailleurs la réponse réelle à la question.
  Bref, dans ce que nous offre les médias pour éclairer notre compréhension du monde, la vérité ne naît pas du débat et de l'affrontement des thèses.

Heureusement, il nous reste la Science : malheureusement, elle paie si mal son homme que le Pic Chercheurs a été franchi depuis longtemps et que c'est sans doute là qu'on constate aujourd'hui l'une des premières pénuries en ressources théoriquement renouvelables.

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commentaires

E
<br /> Il me semble que Tocqueville avait prédit des choses de ce type : la bipolarité de la démocratie américaine conduirait à la tyrannie de la majorité, à la pensée unique et au despotisme des<br /> médias.<br /> Je crois qu'il avait aussi prévu le "pic Amérindiens", comme quoi...<br /> <br /> <br />
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