Nous nous permettons de détourner un extrait de la bande dessinée des Givrés publiée dans Spirou - à ne pas confondre avec les Indégivrables du Monde - en introduction à ce petit billet.
Ces dernières années, nul ne peut nier que l'écologie a eu droit à un grand retour sur le devant des scènes politique, économique et de la vie quotidienne. Ce mouvement était en première analyse animé par quatre courants de pensée :
- les piquistes, alarmés d'abord par le plafonnement prochain de la production mondiale de pétrole (peak oil) puis par la raréfaction plus ou moins proche et plus ou moins démontrée des métaux et autres ressources naturelles ;
- les réchauffistes, dont les fronts se perlent de sueur à la vue des courbes de température atmosphérique à la croissance plus ou moins inexorable ;
- les tiers-mondistes, obnubilés par la montée des eaux qui transformeraient des centaines de millions d'habitants du Globe à faibles revenus en réfugiés climatiques ;
- les décroissants, héritiers des critiques de la société de consommation - de Debord à Pasolini - mais ayant perdu l'ambition de changer le monde.
Crise économique et trucs de schiste ont réduit l'audience des piquistes ; rassemblés dans leur forteresse, ces derniers attendent patiemment leur heure. En période de crise, le tiers-mondisme - voire le quart-mondisme - perd également de la visibilité : plutôt que de s'intéresser aux pauvres de l'autre hémisphère, l'homme de la rue souhaite que les décideurs se préoccupent d'abord des pauvres qui envahissent ses trottoirs.
L'homme de la rue a même une secrète peur d'y finir lui aussi : s'il y a bien une espèce en voie de disparition rapide en ce moment, c'est l'activité productive occidentale : ses usines partent en Chine, ses centres administratifs en Roumanie ou au Maroc et ses espoirs de croissance sont dans les BRIC. Aujourd'hui, personne ne peut démontrer qu'un scénario catastrophe d'une France avec 10 millions de chômeurs est structurellement impossible.
Face à cette menace majeure, autant dire que l'effet papillon du CO2 qui sort des pots d'échappement et des cheminées tracasse de moins en moins les élites pensantes et les masses laborieuses. L'actualité rappelle par ailleurs jour après jour que ce sont plutôt les molécules complexes et les nano-particules qui semblent poser des dangers bien plus graves pour la santé publique.
Bref, comme le chante Carmen Maria Vega dans son dernier disque :
Les bidons dans l'Atlantique
Catastrophe écologique
Le changement climatique
On s'en fout !
Il ne reste donc qu'une seule issue aux mouvements écologistes s'ils veulent continuer à disposer d'une base électorale suffisante : un repositionnement sur le terrain de la décroissance, en se faisant le porte-parole et le soutien réel de cette fameuse France d'en-bas, celle qui a de moins en de moins de ressources et que l'Etat exsangue et endetté ne peut plus subventionner.
Il faudra sans doute adopter un autre mot que décroissance dont la connotation négative n'est pas supportable pour un parti de grande échelle ; on oubliera vite développement durable tellement l'expression a été galvaudée par les tiers-mondistes mondains. Sobriété ? Simplicité ?
Tout reste à faire.