15 mai 2009
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Difficile de ne pas entendre parler de cette fameuse loi. Prenons donc la plume pour jeter à notre tour quelques réflexions sur la cyber-place publique.
On pourrait la comprendre comme un acharnement thérapeutique envers une industrie qui ne veut pas accepter sa chute - un peu comme si on continuait à taxer les sodas vendus au café pour maintenir à flots les producteurs d'absinthe, mis au chômage technique depuis son interdiction il y a près d'un siècle.
Comme le font remarquer les éconoclastes dans leur dernier ouvrage Sexe, drogue et économie, la filière musicale ne souffre fondamentalement pas de la concurrence déloyale du téléchargement illégal, mais surtout de la fin de la vague du CD, qui avait réussi à prendre le relais de celle du disque vynil. Durant cette période de galettes au beurre, les revenus des artistes et de toute la filière économique qui les accompagne explosèrent grâce à la vente d'enregistrements, qui rendit accessoires ceux issus des salles de concert et de bal, auparavant débouchés essentiels du musicien ou du chanteur. Mais, las ! Le pain sec d'Internet a remis en question ce modèle économique.
Si on avait inventé Internet et le baladeur MP3 lors de la Deuxième Guerre Mondiale, les maisons de disque n'auraient tout simplement jamais vu le jour, et Johnny Hallyday serait probablement resté Jean-Philippe Smet. On vit donc en ce moment un simple ajustement - un "changement de paradigme", pour se la jouer précieux - du paysage économico-musical, dû à la roue aveugle de l'évolution des technologies et de la sélection naturelle qu'elle induit sur les acteurs économiques.
Certes, c'est dur pour de nombreux artistes de voir mourir la poule aux oeufs d'or des "produits culturels" - on adore cette expression - vendus avec des marges hallucinantes. Mais c'est le sens de l'histoire : de même que l'âge du pétrole n'aura duré qu'une centaine d'années, l'âge du produit culturel à marge éhontée aura juste duré une cinquantaine d'années : c'est déjà pas mal. Et puis, l'humanité a-t-elle vraiment besoin de nouvelles Britney Spears pour survivre ? Pas vraiment.
Les artistes de demain, biberonnés à l'iPod, se doutent déjà qu'ils ne pourront plus forcément gagner beaucoup d'argent en se contenant de vendre de la musique en boîte, et qu'il leur faudra donc revenir sur les traces de leurs aînés, chantés naguère par les 45 tours de Nicolas Peyrac :
Y aura-t-il une HADOPI pour le pétrole ? Les majors vont-elles bientôt réclamer à leur tour des compensations similaires, face au déclin programmé de leur production, comme par exemple exiger une amende pour les automobilistes infidèles qui empruntent le vélo de leur voisin pour aller chercher le pain ?
Non, la différence entre l'industrie du disque et celle du pétrole, c'est que la seconde sait anticiper et n'a pas attendu que l'événement redouté survienne pour se diversifier. Plus habituée à vivre dans un monde libéral, elle a sans doute compris que la stratégie "aide-toi, le Ciel t'aidera" était plus payante à terme que celle du "sauvez-nous ou on va tous mourir dans d'atroces souffrances" qui ne sert en fait qu'à prolonger une inexorable agonie.
On pourrait la comprendre comme un acharnement thérapeutique envers une industrie qui ne veut pas accepter sa chute - un peu comme si on continuait à taxer les sodas vendus au café pour maintenir à flots les producteurs d'absinthe, mis au chômage technique depuis son interdiction il y a près d'un siècle.
Comme le font remarquer les éconoclastes dans leur dernier ouvrage Sexe, drogue et économie, la filière musicale ne souffre fondamentalement pas de la concurrence déloyale du téléchargement illégal, mais surtout de la fin de la vague du CD, qui avait réussi à prendre le relais de celle du disque vynil. Durant cette période de galettes au beurre, les revenus des artistes et de toute la filière économique qui les accompagne explosèrent grâce à la vente d'enregistrements, qui rendit accessoires ceux issus des salles de concert et de bal, auparavant débouchés essentiels du musicien ou du chanteur. Mais, las ! Le pain sec d'Internet a remis en question ce modèle économique.
Si on avait inventé Internet et le baladeur MP3 lors de la Deuxième Guerre Mondiale, les maisons de disque n'auraient tout simplement jamais vu le jour, et Johnny Hallyday serait probablement resté Jean-Philippe Smet. On vit donc en ce moment un simple ajustement - un "changement de paradigme", pour se la jouer précieux - du paysage économico-musical, dû à la roue aveugle de l'évolution des technologies et de la sélection naturelle qu'elle induit sur les acteurs économiques.

Les artistes de demain, biberonnés à l'iPod, se doutent déjà qu'ils ne pourront plus forcément gagner beaucoup d'argent en se contenant de vendre de la musique en boîte, et qu'il leur faudra donc revenir sur les traces de leurs aînés, chantés naguère par les 45 tours de Nicolas Peyrac :
Quand vous chantiez en ce temps-là,
L'argent ne faisait pas la loi.
Les hit parades n'existaient pas,
Du moins, ils n'étaient pas de poids.
Tu mettais des semaines
Et des semaines,
Parfois des années.
Si t'avais pas de tripes,
Ta boutique, eux,
Pouvaient la fermer
Et Trenet avait mis des années,
Brassens commençait à emballer
Et Bécaud astiquait son clavier.
Non, la différence entre l'industrie du disque et celle du pétrole, c'est que la seconde sait anticiper et n'a pas attendu que l'événement redouté survienne pour se diversifier. Plus habituée à vivre dans un monde libéral, elle a sans doute compris que la stratégie "aide-toi, le Ciel t'aidera" était plus payante à terme que celle du "sauvez-nous ou on va tous mourir dans d'atroces souffrances" qui ne sert en fait qu'à prolonger une inexorable agonie.