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30 janvier 2008 3 30 /01 /janvier /2008 15:20
Certains craignent, avec la montée en puissance du double problème pic pétrolier / réchauffement climatique (qu'on désigne ici par l'acrostiche primesautier PO/RC), que les EPR, ces centrales nucléaires Areva dites de troisième génération, déferlent bientôt sur l'Europe. Le nucléaire se présente en effet comme une alternative faiblement carbonée à notre soif inextinguible d'énergie massive.

Que nos amis arevaphobes se rassurent : dans nos vieilles nations, le nucléaire civil a toujours rencontré des problèmes d'acceptation tels qu'il aura du mal à se re-développer réellement en Europe de l'Ouest : il s'agira plutôt d'un marché de remplacement. En Europe de l'Est, où l'opinion considère Tchernobyl plus comme une conséquence accidentelle du soviétisme que comme une catastrophe industrielle, les EPR ont toutefois quelques chances de percer - à la condition expresse que Poutine accepte une telle intrusion dans ce qu'il considère aujourd'hui comme son pré carré énergétique.

Mais alors, où vont donc aller les EPR ? D'une certaine façon, ce sont des mammouths industriels : gigantesques, nécessitant d'importantes quantités d'uranium enrichi tout au long de leur durée de vie de plus d'un demi-siècle, elles offrent sans doute des MWh à des prix quasiment imbattables (surtout quand certaines externalités, comme les déchets ou tout simplement les autorités de sûreté, sont tout ou partie prises en charge par la collectivité). Mais à 3 milliards d'euro l'unité, ces réacteurs sont loin d'être à la portée de toutes les bourses. Les princes et émirs arabes sont probablement les seuls à pouvoir s'en offrir sans trop se soucier de la question du financement, mais que feraient-ils de cette dizaine de térawattheures annuels ? Ce sont des réacteurs industriels conçu par des pays industriels pour des acheteurs-Etats industriels.

La disponibilité de la ressource en uranium amène ensuite une question à moyen terme : reste-t-il assez de ce rare uranium 235 sur Terre pour faire fonctionner d'autres centrales nucléaires ? Areva, sur papier glacé du CEA, avoue que oui, mais peut-être non. En fait, on n'en sait rien. Cette incertitude ne met pas dans les meilleures conditions l'acheteur éventuel de centrales nucléaires. Il est probable qu'Areva, qui contrôle l'ensemble du cycle d'uranium, mines comprises, a le pouvoir de faire des offres commerciales intéressantes (la centrale et son approvisionnement en combustible garanti).

Mais de grandes puissances comme la Chine ou l'Inde n'ont pas forcément envie de signer de tels accords qui rappellent les stratégies propriétaires des grands noms de l'informatique. Notamment car il reste une option technologique : la quatrième génération de réacteurs nucléaires, dit à neutrons rapides, capables de produire leur propre combustible à partir d'uranium appauvri, dont nous disposons de quantités faramineuses.

EPR-vs-RNR.jpg En France, nous avions essayé d'en faire les successeurs de nos mammouths à eau pressurisée, cela a donné SuperPhénix, un mastodonte à sodium fondu. Avons-nous péché par orgueil ? Des réacteurs à neutrons rapides (RNR) dix fois plus petits, jouant dans la cour des 100 MW, sont plus faciles à concevoir et à exploiter (cf. Phénix, dont on ne parle jamais et qui va s'arrêter en 2009 après 40 ans d'activité), moins chers à l'achat et beaucoup plus versatile : dans certaines configurations, ils sont capables de produire de l'électricité et de la chaleur haute température, ce qui les rend beaucoup plus intéressants pour les industriels d'aujourd'hui (c'est-à-dire les pays émergents) pour produire de l'hydrogène, des carburants de synthèse, de l'eau dessalée ou même du ciment.

Bien entendu, le problème de la prolifération n'est pas du tout réglé par cette nouvelle race de réacteurs tous usages mais de faible cylindrée. Au contraire, la surgénération permet de produire des quantités démentielles de plutonium... Le boulot d'inspecteur de l'AIEA n'est pas prêt de disparaître.

Ce downsizing peut bouleverser notre approche de l'énergie atomique et la façon dont l'industrie nucléaire est structurée. Au début des années 1950, quand le plus petit ordinateur avait le volume d'un petit entrepôt, on dit qu'IBM (qui fabriquait des machines à écrire à l'époque) avait évalué le marché mondial de l'informatique à environ quinze ordinateurs par an. Vingt ans plus tard, les mini-ordinateurs se vendaient par milliers. Et encore vingt ans plus tard, avec l'arrivée de la micro, on parlait de millions.

Nous sommes probablement encore loin de l'iNuk personnel, même si Toshiba ne dément pas les rumeurs d'un projet de pile atomique résidentielle qui devrait sortir des cartons en 2009. Mais les Japonais voient loin, ne l'oublions pas. Quand Sony avait présenté le Mavica, le premier appareil photo numérique, en 1981, tout le monde avait ri : "Ca ne marchera jamais". La toute première 2CV, présentée au Salon de l'Auto en 1948, avait aussi rencontré beaucoup de scepticisme, tellement elle paraissait incongrue au milieu des belles berlines. Dix ans plus tard, elle était l'une des voitures les plus vendues en France.

Small is beautiful : ce slogan va probablement bientôt s'appliquer au nucléaire.
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